Où est née cette idée ?

Mon coup de coeur pour le saxophone a eu lieu gamin, quand j’ai vu le film « 37 ° 2 le matin » et écouté le fameux morceau « betty & zorg ». Depuis ce moment, je me suis régulièrement dit à moi-même « un jour, quand je serai assez grand, je jouerai ce morceau au saxo ». Et un jour, après une grosse journée de travail lors du 2ème confinement covid19 en France, j’ai parlé à mon épouse du saxophone, sans raison particulière. Comme d’habitude, ma merveilleuse épouse m’a aidé et m’a répondu: «Pourquoi tu ne t’achètes pas un saxophone 1er prix et commences à jouer ? »
C’est exactement ce que j’ai fait. J’ai visité le site thomann.de et j’ai acheté un sax ténor et quelques accessoires pour moins de 600 €.
10 jours plus tard, je recevai mon précieux et j’étais excité comme un gosse à Noël, mais il y avait un gros problème: comment ce tube doré est-il censé fonctionner et comment fait-on pour le monter et souffler dedans ?
J’ai alors passé un peu de temps sur youtube et j’ai décidé d’acheter un des cours en ligne de Yanick Coderre pour apprendre les premiers pas. 4 jours plus tard, j’ai pu souffler dans ce merveilleux instrument et créer des sons de base à peu près corrects. Ensuite, j’ai essayé de jouer des chansons pour enfants comme «au clair de la lune» ou des gammes de bases. Cool, je jouais du saxophone !
Ok, mais maintenant je voulais jouer de la vraie musique ! Ni en orchestre, ni comme un pro, ni en improvisant comme Mr Coltrane. Je voulais juste jouer un morceau facile comme Bella Ciao ou Betty & Zorg ou même une musique sur le thème de MarioBross. C’est là que le GROS problème m’est apparu: le solfège .
A presque 40 ans, je n’avais pas envie (ni le temps) de passer 6 mois à apprendre ce langage musical, et passer du temps à décoder note par note à un rythme d’escargot analphabète. J’étais convaincu qu’il me faudrait au moins 6 mois pour pouvoir lire une partition musicale moyenne et la jouer moi-même au tempo réel: NO WAY !!! Ai-je abandonné le saxophone? Non.
En tant qu’expert en informatique, j’ai décidé d’essayer de pirater ce charabia musical (pourtant indispensable pour les vrais musiciens pro) et de créer un système qui me permette d’utiliser des images de doigtés (des tablatures), dont la lecture est accessible aux adultes comme aux enfants. L’idée de PlayThatSheet était née. Elle était née sur cette chaise de geek que vous pouvez voir sur cette photo.


Mon 1er essai : une tablature pour saxophone papier+crayon

J’ai commencé par chercher sur le Web des tablatures de doigtés pour saxophone et je les ai trouvés assez compliqués pour une lecture rapide. J’ai donc décidé d’ouvrir un fichier PowerPoint, de dessiner un rectangle et un cercle pour créer mes «trous» de saxophone (plus tard, j’ai appris le bon terme «clés»). Un grand rectangle pour dessiner le saxophone et 6 ronds pour les trous. 3 rond en haut pour la main gauche et 3 en bas pour la main droite. Comme je cherchais et apprenais encore beaucoup d’informations sur youtube (au fait, merci get your sax together et Yanick Coderre ), j’ai amélioré mon dessin et ajouté un cercle pour les « palm keys » (touches de côtés), la clé d’octave (pour les notes aiguës) et les touches du petit doigt.
Ma première tentative de piratage était née.
J’ai choisi un morceau facile comme «  la panthère rose » (pas si facile en fin de compte mais tellement connu) et j’ai passé près de 30 à 40 minutes pour décoder manuellement chaque note sur une page A4 pleine de doigtés vide (mes fameux rectangles et ronds). J’ai pris un crayon et j’ai rempli les ronds à boucher pour chaque note (avec parfois de grosses erreurs que je corrigeais après coup lorsque je tentais de jouer le morceau et me rendais compte que ça sonnait faux à l’oreille). J’ai totalement zappé la partie tempo et rythme des phrases (je n’avais pas encore d’idées pour décoder cette partie) et j’ai essayé de jouer chaque note avec la même intensité sans aucune subtilité, vibrato ni finesse. Erreur de débutant classique.
Mais en fin de compte, j’ai pu jouer la panthère rose tout seul, certes avec un son de débutant, sans respecter le rythme ni le tempo, mais en prenant du plaisir quand même ! Et surtout, mes enfants ont su reconnaître le morceau que je tentais de jouer : mon 1er grand succès de débutant !


La 1ère vraie version papier (beaucoup trop de papier)

En tant qu’informaticien, je n’ai pas pu continuer à perdre 40 minutes par morceau pour transformer une partition de musique traditionnelle en tablature papier+crayon. J’ai donc décidé de demander à mon ordinateur de m’aider à faire un peu d’automatisation et de me faire gagner ces 40min par morceau.
Ma première version réelle de PlayThatSheet (« joue cette partoche » en anglais) était une version papier. J’ai créé un script, un algorithme pour transformer une partition musicxml en une liste d’images représentant chaque note de doigté. MusicXML est le format open source (c’est-à-dire : gratuit !) d’une partition musicale traditionnelle. Ce fichier gratuit peut être modifié et lu par un informaticien comme moi. J’ai donc laissé mon algorithme analyser le format XML d’une partition musicale, extraire chaque note (exemple G5, F6 #, C4b, … l’équivalent du sol#, mi bémol, … en notation anglaise) et transformer ces lettres en une liste d’images affichées sur une page web.
Ensuite, je réalisé une capture d’écran de ma page web, copier/coller cette capture d’écran dans un fichier powerpoint et l’imprimer au format A4. Dernière étape je scotchais mes différentes feuilles de papier A4 et tada ! ma tablature de partition de musique maison était née et semi automatisée grâce à l’ordinateur (il y restait encore quelques étapes manuelles).
Mes amis se moquaient un peu de moi car je sortais d’énormes morceaux de papier à mettre devant moi avant de pouvoir jouer par exemple le Bolero de Ravel. Ces feuilles papier pouvaient $etre aussi grandes qu’une feuille A3 et même plus. On aurait dit un architecte qui sortait les plans d’un gros bâtiment. Mais cela n’avait pas d’importance car in fine, j’étais capable de « jouer » la plupart des partitions musicXML et je pouvais jouer (toujours sans tempo ni rythme. Désolé pour les auteurs et pour mes voisins et ma famille qui écoutaient) ‘fly me to the moon’ , «bella ciao», «eye of the tiger» et bien d’autres. Wow, saxophone niveau débutant 2.0 atteint !


Ma 1ère version digitale : jouons cette partition en rythme !

J’ai été quelque peu incendié par quelques amis réellement musiciens (merci Basile et Felipe) qui m’ont rappelé à juste titre que le tempo et le rythme n’étaient pas facultatifs mais des bases obligatoires et non négociables en musique. Alors j’ai travaillé sur le sujet. Mon moi écolo m’a également supplié de sauver quelques arbres et de trouver un moyen numérique de lire mes schémas de doigtés au lieu de les imprimer plusieurs fois sur papier. C’est ce que j’ai fait en numérisant d’abord chaque doigté sur un écran (ipad et ordinateur). Chaque ligne de doigtés était lisible et l’écran défilait automatiquement lorsque cela était nécessaire (car jouer du saxophone et faire une pause pour utiliser sa main pour faire défiler vers le bas avec sa souris n’était pas super pratique)
Ensuite, j’ai appris que le solfège, en particulier pour le rythme, pouvait être écrit de nombreuses façons. 2 notes «liées» peuvent représenter une seule note jouée, mais sur une durée plus longue. Et beaucoup d’autres trucs bizarres de théorie musicale permettaient d’écrire une partition classique de 1000 manières. Pas pratique cette histoire pour un débutant ignare en solfège comme moi. Quoi qu’il en soit, j’ai essayé de surmonter cela et de «traduire» la plupart des mathématiques de la théorie musicale.
J’ai ajouté un rectangle bleu pour me permettre de savoir combien de temps je devais souffler dans mon instrument pour maintenir la note avant de temps et passer à la note suivante. Ce rectangle passait ensuite à la note suivante en suivant le tempo écrit sur la partition musicale originale.
L’algorithme de PlayThatSheet était né !
Depuis ce jour, je n’ai imprimé aucune tablature papier (merci pour la planète) et j’utilise mon ipad pro comme support principal pour jouer et lire de la musique avec mon saxo! De temps à autre, j’utilise aussi l’écran de mon ordinateur portable (pas besoin de chevalet, une table suffit)


La dernière version avec quelques automatisations et options sympatoches !

Je prenais du plaisir lors de ma session de sax quotidienne (+ mes cours en ligne Youtube) et améliorais mon niveau mais j’étais toujours coincé avec un morceau légendaire tel que ‘Take Five’ (tempo 150 et quelques doigtés complexe)! C’est pour cela que j’ai décidé d’ajouter une automatisation informatique à mon prototype. Sur chaque tablature que mon algorithme créait, j’ai ajouté un bouton `` Configuration de la page ‘’ en haut de la page pour me permettre de configurer le tempo automatiquement. L’ordinateur calcule lui-même le tempo nécessaire pour jouer un morceau avec une dextérité de débutant (comme « Take Five », version lente). Le tempo est ralenti jusqu’à ce que le morceau puisse être joué lentement (de 150 à 30 ou 45 dans ce cas). Pour un morceau plus facile comme «bella ciao», un tempo 50 ou 60 est « jouable » pour un débutant et l’ordinateur adapte donc le tempo à la difficulté du morceau.
Super cool non ?
J’ai également ajouté un synthétiseur midi assez moche pour permettre à l’humain d’entendre la chanson avant de la jouer avec son instrument. Quand mon fils m’a demandé de jouer le thème du manga «hunter x hunter», j’ai dû utiliser ce synthétiseur audio car je ne connaissais pas du tout l’air de ce morceau. Je l’ai d’abord écouté avec le synthétiseur audio et je l’ai ensuite essayé avec mon saxophone. 5min pour le jouer en démarrant de zéro. Et une fonctionnalité sympatoche de plus !
À partir de là, j’ai partagé playThatSheet avec des amis puis avec le monde entier car j’ai reçu beaucoup de retours disant que cet outil était vraiment cool pour les débutants et même pour les musiciens d’un niveau plus avancé.

Je vais bientôt ajouter d’autres instruments pour adapter PlayThatSheet à la clarinette, au tuba, à la flûte… car le fonctionnement sera le même (des ronds et des carrés pour indiquer où mettre ses doigts et boucher les « trous ». J’attends juste un cobaye qui me le demandera sur le formulaire de contact de ce site , alors n’hésitez pas à me contacter pour cela et je m’en occuperai.
J’espère que vous apprécierez PTS (PlayThatSheet) et n’oubliez pas que nous aurons encore besoin d’un vrai prof de sax pour apprendre beaucoup de choses que ni PTS ni le solfège ne pourront jamais nous apprendre: l’improvisation, travailler son « son », le style, l’embouchure, le vibrato, le « growling », …
J’ai personnellement prévu de prendre des cours avec un professeur d’ici la fin de l’année.

Profitez de votre saxophone, profitez des tablatures PlayThatSheet et suivez-moi sur les réseaux sociaux si vous avez aimé l’idée et l’histoire de PTS.